
Nadine Pothonnier a perdu sa fille ainée en 2008. Aujourd'hui elle s'estime apaisée et accompagne les familles en deuil
Dossier réalisé par Thomas Graindorge pour Sud ouest Magazine. 2024.
"C'était sa couleur préférée" sourit Nadine Pothonnier, en saisissant le coussin Rouge du canapé sur lequel elle est assise. "Sa" se rapporte à sa fille, Marie-Charlotte, décédée à 20 ans , l'âge de tous les possibles.
Admise au CHU d'Angers pour une angine à streptocoque le 30 octobre 2008 les médecins ne lui donnent plus que quelques heures à vivre : " On sait qu'elle va mourir, mais on garde espoir, même minime." Mais le diagnostic de l'hôpital s'avère exact, laissant la mère dans l'incompréhension : " c'était une force de la nature, en pleine forme, jamais malade. On se dit pas elle, pas nous, ça n'est pas possible." A l'époque l'assistante sociale de profession estime " avoir jusqu'ici été épargnée. J'avais 44 ans et je n'avais jamais vu un corps mort. Le fait que ce soit celui de ma fille... Aucun parent n'y est préparé."
Les jours suivants, entre formalités administratives et contact des proches, sont difficiles. " Mais j'avais cette chance d'avoir une cellule familiale forte. Ça ne faisait que défiler à la maison, des grands repas.. je me sentais vulnérable, alors je me suis laissée porter. On rit on pleure, des souvenirs en pagaille, un tourbillon autour de moi." Sitôt les obsèques passées la réalité crue reprend et une famille dont les chagrins s'entrechoquent : " Mon mari défaille. Moi je pleure la nuit, pour ne pas déranger. Ma seconde fille a eu besoin que l'on se rapproche physiquement, comme quand elle était bébé." Mais très vite la maman met des limites : " Je lui ai dis que je n'étais pas thérapeute, qu'il fallait qu'elle trouve quelqu'un qui mette des mots sur ce deuil."
Création d'association
Elle même entamé son propre parcours : " j'avais un tempérament à aller de l'avant que je ne soupçonnais pas. Je rencontre des mères dans le même cas, je reprends goût à la vie." En février 2009, vient le temps d'une retraite silencieuse dans un monastère à 40 km d'Angers. "J'ai grandi dans une famille catholique, je ne suis pas pratiquante, mais ce lieu m'a reconnecté avec moi même. J'ai senti une dimension spirituelle." Pendant 5 jours elle rencontre des moines, participe aux offices. Elle parle seule . " Sûrement à Dieu." Imagine-t-elle. A toutes ses questions autour de la mort de sa fille, elle comprend qu'elle ne répondra jamais : " et j'ai ainsi fait la paix avec Moi même, dans ce lieu à l'écart du monde. Je pouvais y laisser tous mes pourquois. "
" Quand on perd ses parents, on est orphelin, son conjoint, on est veuf, pour la perte de son enfant, il n'y a pas de mot"
D'un fardeau le deuil parental devient alors une question qui la "passionne", au point d'obtenir en 2016, un diplôme Universitaire du travail du deuil. ( Avec Christophe Fauré).
En 2019 alors qu'elle déménage à Agen, elle rencontre Nelly Hourcade lors d'une projection du film " et je choisis de vivre " de Damien Boyer ( Orawa Prod ) et Nans Thomassey ( Nus et culottés).
Les 2 femmes fondent ensemble ce qui est aujourd'hui officiellement l'association Le café des parents en deuil : " Pour une enfant qui perd son parent on le dit orphelin, un conjoint , veuf ou veuve, mais pour la perte d'un enfant il n'y a pas de mots" fait remarquer Nadine Pothonnier, qui en paix avec elle-même, entend désormais accompagner d'autres vers ce même chemin.

Accompagne les parents en deuil , une vocation
La vocation de Nelly Hourcade n'est pas née d'un deuil propre, mais celui d'une autre. Laura, meilleure amie de sa fille aînée, décédée il y a dix ans. " Sa maman avait besoin d'être écoutée. J'ai été présente pour elle chaque jours. J'ai été révoltée du fait qu'elle ait eu, au fil du temps, de moins en moins de visites amicales. Alors qu'elle avait besoin d'être écoutée."
Elle suit alors de près le projet de film de Damien Boyer " Et je choisis de vivre" , film documentaire sur le deuil de l'enfant. C'est l'occasion de sa diffusion en avril 2019 ( qu'elle organisa avec le CGR ) qu'elle rencontre Nadine Pothonnier et qu'elles fondent Le café des parents en deuil. La COVID n'aidant pas, c'est en 2021 que le concept se lance véritablement dans les locaux du restaurant solidaire le Hang'Art, dans le cadre de l'association Stand'up : " on accueille les parents de tous âges, peut importe le deuil parental ou périnatal, autour d'un verre, pour écouter leurs histoires." Ainsi des couples se livrent , des deuils se racontent en toute authenticité.
Gratuit
L'auxiliaire de puériculture le précise " ce n'est pas un soin, nous ne sommes pas dans un contexte de professionnelles . C'est un lieu de recueil, où les gens peuvent Dire le beau, le moins beau, leur douleur.". Aujourd'hui le café est officiellement une association reconnue. C'est un groupe ouvert, il n'y a pas de thématique. On offre une bulle où le silence aussi a sa place . "Le plus important, c'est de remettre l'humain et l'affectif au coeur des discussions."
Ces cafés s'organisent dans différents lieux, événement gratuit mais avec appel au préalable" pour s'assurer qu'il n'y ait pas de voyeurs". Celle qui fait le test d'admettre ne pas comprendre ces parents endeuillés ( ne l'ayant pas vécu ) , les accueillent avec sincérité" se veut donc témoin d'un tabou qui'reste encore à déconstruire.
Mr Graindorge pour Sud Ouest 2024 légèrement modifié par Mme Hourcade .
lecafedesparentsendeuil47@gmail.com
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